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Interview Yohan DURAND - Diaboliste danseur

Par NetJuggler | Jeu 09 mars 2023

Entre danse et jonglerie : la performance unique de Yohan Durand

La passion pour le diabolo

Depuis sa rencontre avec un diabolo en 2009, Yohan Durand n’a plus cessé de travailler, construisant peu à peu un style artistique unique et reconnaissable. Autodidacte, il a su trouver des ponts entre la danse et la jonglerie, et son besoin de partage et de découverte l'a conduit à écumer de nombreuses scènes, avec déjà plusieurs créations de 5 à 45 minutes à son actif. Il continue aujourd'hui son travail de recherche autour du dialogue entre le corps et l'objet, en s'enrichissant de différentes techniques issues de la jonglerie, de la danse, du clown, du marionettisme, du théâtre et du mime.


Nos chemins se croisent régulièrement lorsqu'on travail tous les deux sur un festival, moi avec NetJuggler, Yohan avec ses spectacles ou en convention de jonglerie, ça a été un chouette échange pour nous de vous préparer ce document qui retrace le parcours de Yohan à travers cette interview... Et quel parcours...

Photographie - Marion Triverio

Comment avez-vous découvert le diabolo et quand avez-vous décidé de devenir un artiste professionnel de cette discipline ?

J'ai tout de suite aimé, il avait l'air cool. Quelques mois plus tard, je reçois pour Noël (sans l'avoir demandé et sans jamais en avoir jamais parlé à qui que ce soit) un diabolo Mister Babache rouge. Pendant un an je n'y ai pas touché néanmoins. Il a pris la poussière dans une armoire jusqu'à ce que je parte pour la première fois en vacances sans ma grande soeur. Sans grand espoir je l'ai emmené avec moi. Au bout du premier jour ça a été un coup de coeur total. A partir de cet été en 2009, je ne l'ai littéralement plus lâché. J'ai jonglé quasiment tous les jours plusieurs heures dans mon jardin ou mon garage en m'inspirant parfois de vidéos et d'un livret de figures mais surtout en m'amusant. De fil en aiguille, des personnes autour de moi commençaient à savoir que je faisais du diabolo et je finis par être invité ici ou là à présenter des numéros gratuitement pour des courses cyclistes, des braderies, des Téléthons, des mariages, des anniversaires et j'en passe. Le vrai déclic s'est produit un jour où je suis passé devant les responsables du Téléthon d'Ille-et-Vilaine. Je pensais que ce serait ma chance d'être vu et de faire encore plus de numéros (à l'époque je ne m'imaginais pas pouvoir être payé pour ça). Mais après trois heures d'annonces de résultats ils préféraient tous regarder leur assiette plutôt que moi, ce fut une grosse déception. De toute façon il n'y avait pas vraiment de scène, pas vraiment de sonorisation ou même d'éclairage. Néanmoins, une personne est venue me voir à la fin sans savoir qu'il changerait ma vie. C'était le présentateur de la soirée, il m'a dit quelque chose comme :"Bonsoir, j'ai un cabaret en Normandie, ça t'intéresserait de venir travailler pour moi ?"
Cabaret Fantasy 2015 - Photographie - Thiery Couly 

Pouvez vous nous parler un peu de votre parcours, les différentes formations que vous avez pu suivre ?

Mon parcours de formation est plutôt éclaté. Ma formation ce n'est pas d'être allé dans telle ou telle école de cirque, c'est avant tout chaque milieu dans lequel je suis allé et où j'ai fait des rencontres. Je me suis d'abord formé à travers des vidéos et un livret vu qu'il n'y avait aucun autre diaboliste là où je vivais en Bretagne. Par contre, tout a changé quand je suis parti à l'université et que j'ai rencontré les jongleurs-euses Rennais-e-s. Là je pouvais directement échanger avec des personnes connaisseuses, partager ma passion et surtout me sentir un peu plus à ma place. 
Pendant trois ans à Rennes, j'ai travaillé en parallèle au Cabaret Fantaisie et j'apprenais certains codes de la scène. Là-bas on me dit : "C'est chouette ce que tu fais au diabolo, mais rajoute quelque chose maintenant". 
Alors la danse commence à rentrer dans ma pratique, en autodidacte principalement. 

Un diaboliste à "incroyable talent" :-)

Après un passage remarqué lors de l'émission « La France a un incroyable talent » en 2015, Yohan Durand s'est produit sur de nombreuses scènes, notamment au Cirque Imagine de Lyon ou encore avec la compagnie canadienne des 7 Doigts de la Main. Un peu plus bas dans l'article, Yohan nous livre un témoignage sur son passage à l'émission, je vous recommande de rester le lire :-).

Photographe - Pierre OLIVIER/M6
Je passe dans La France à un Incroyable Talent à un moment de ma vie où je désirais goûter à la vie d'artiste. Je me demandais aussi si je voulais travailler dans l'anglais alors après quelques mois de spectacles rémunérés à travers la France, après un voyage de 3 mois en sac à dos au Canada où je rencontre beaucoup de circassiens, après des tas de conventions de jonglerie et surtout du fait de présenter un numéro à la moindre occasion possible, je franchis des étapes importantes cette année là. 
De retour en France après le Canada, en 2016, je me mets sérieusement à faire de la rue puisque je veux continuer à me former. En 2016 je pars à Lyon pour un Master à l'université et un nouveau monde s'offre à moi. Surtout, je ne connais personne, personne ne me connais et je n'ai plus d'argent du tout. Alors j'y vais à fond. Parfois sans sonorisation, d'autres fois sans diabolo. La seule consigne c'est de faire s'arrêter les gens et réussir à gagner un peu d'argent . Je galère sérieusement pendant plusieurs mois et ça finit par fonctionner. 

Au programme du "Cirque Imagine"

Yohan DURAND - 3ème en partant de la gauche - Cirque Imagine  -  Marion Triverio
En parallèle des études et de la rue, j'ai envoyé des centaines d'e-mails à tous types de lieux qui pourraient accepter mes numéros, des boîtes de nuit, des restaurants, des bars, n'importe où, n'importe quand, j'étais prêt à tout. J'ai reçu seulement deux réponses au final : une pour l'inauguration d'une boite de nuit, l'autre pour me proposer de venir travailler dans un cabaret-cirque pour 2 ans à raison de 100 dates par an hors été :  Le Cirque Imagine de Lyon. A ce moment là, on est en 2017, j'ai 23 ans, et je commence à me dire que j'approche de mon objectif de formation que je m'étais fixé. J'avais désormais fait du cabaret, de la rue, de la télé, des conventions... Là, j'allais faire du cirque traditionnel

Je me disais qu'il ne me resterait plus qu'à faire du cirque contemporain. Au Cirque Imagine tout se passe bien, je fais mes dates de septembre à juin, je donne des cours de cirque, je passe mon master de business international spécialité anglais partagé entre cours, un stage dans les bureaux du cirque imagine et la rédaction d'un mémoire sur le cirque. Après tout ça, une fois l'été venu, je peux proposer mon spectacle long de 45 minutes sur différents festivals. 
 
En fait je ne suis pas assez programmé au début alors pour tous les festivals que je trouve sur ma route au cours de l'été, je fais en sorte de trouver l'équipe d'organisation et leur demande s'ils ont un créneau pour que j'y joue mon spectacle au chapeau. Et ça fonctionne, quelque années plus tard le spectacle tourne presque tout seul et j'ai pu engager une personne pour la diffusion

L'Interview vidéo ci-dessous a été réalisée lorsque Yohan faisait partie de l'équipe Cirque Imagine.

Collaboration avec "Les 7 doigts de la main"

Plus tard, je me dis tout de même que je n'ai toujours pas vraiment goûté au cirque contemporain. Une annonce pour travailler pour la compagnie de mes rêves passe sous mes yeux, je me dis que jamais je ne pourrais pas les intéresser mais par chance j'ai trois jours disponibles pour me rendre aux auditions à Berlin. À la fin de la journée, on me dit que j'étais le candidat parfait pour cette audition , je n'en revenais pas. 
Me voilà parti pour travailler sur un projet de cirque contemporain avec la compagnie des 7 Doigts de la Main. Retour au Canada, puis une tournée en mer aux Etats-Unis débute mais le projet est finalement arrêté au bout de quelques mois à cause de l'arrivée du COVID. Aujourd'hui, après tout ça je me rends compte que ma "formation" n'est toujours pas terminée et que c'était presque naïf de croire que toutes ces expériences suffiraient. Alors j'ai pris un stage de théâtre, me suis intéressé au mime, au marionettisme, aux acrobaties, à d'autres agrès de cirque ou de jonglerie, je lis un tas de livre sur différentes techniques et aspects du cirque. Tout va bien, j'ai d'autres projets, pleins d'autres envies qui m'attendent et je ne compte pas m'arrêter là.
7 Doigts de la main - MollyChroma

Un spectacle poétique et touchant: "C'est idiot mais ça colle à la peau"

Cet acrobate jonglant avec dextérité et humour nous réconcilie avec un art que beaucoup pensaient désuet : le diabolo. Qu'il s'agisse des épreuves ou des joies de la vie, laissez-vous porter au gré des mouvements de l'artiste, entre poésie et finesse. Dans un engagement physique et verbal total, Yohan Durand nous invite à réfléchir sur notre propre place dans le train de la vie. Que l'on soit petit ou grand, chacun devient à la fois spectateur et voyageur spectaculaire.

Son spectacle "C'est idiot mais ça colle à la peau", joué plus de 149.5 fois depuis 2018, est un véritable voyage rythmé et touchant à la frontière des arts. À travers la jonglerie avec un, deux ou même trois diabolos, Yohan Durand transporte le public dans un univers poétique et touchant. Sa polyvalence artistique lui permet de mélanger les genres, offrant une expérience complète qui dépasse les limites de la simple performance de diabolo. En utilisant la danse et le théâtre de rue, il nous emmène dans un voyage mouvementé à bord du "train de la vie", invitant le public à réfléchir sur sa propre place dans le monde.

Avec une bande-son entraînante et des moments de poésie pure alternant avec des moments plus dynamiques, vous allez vous laisser emporter par l'art de Yohan Durand. Le tout en gardant un humour qui touche autant les petits que les grands. Si vous êtes fan de diabolo et de spectacle en général, "C'est idiot mais ça colle à la peau" est un spectacle unique que vous ne voulez pas manquer.

Vous avez un style artistique unique qui combine la danse et la jonglerie. Comment avez-vous développé cette approche originale ?

Je me suis essentiellement laissé porter par mes envies et ma curiosité. J'ai un vrai goût pour la jonglerie alors j'ai fouillé et exploré les possibilités pendant un certain temps. Je me suis parfois lassé, j'avais besoin d'autres disciplines pour me rafraîchir les idées et la danse s'est vite présentée. Très tôt, j'ai voulu associer les deux et tenter de trouver des liens entre ces deux disciplines. J'ai passé beaucoup de temps à mimer des figures comme si j'avais mon diabolo en mains et à regarder si je n'avais pas une partie de corps disponible pour faire un mouvement dansé. J'ai vite considéré mon diabolo comme un partenaire qui me donnait du contrepoids, et c'est là que le vrai plaisir est venu pour moi, entre danse et jonglerie, quand le corps aussi devient objet.
Sur la piste du Cirque Imagine - Photographe Jean Claude Fourez

Ateliers de diabolo: apprendre les techniques et la vision artistique de Yohan Durand

En plus de ses spectacles, Yohan Durand propose également des ateliers pour apprendre le diabolo. Que ce soit pour les débutants ou les avancés, les ateliers sont adaptés à tous les niveaux et sont l'occasion d'apprendre les techniques de base ainsi que les astuces pour réaliser des figures plus complexes. Yohan Durand transmet son savoir-faire avec passion et pédagogie, pour permettre à chacun de découvrir les joies de la jonglerie et du diabolo. Les ateliers sont également l'occasion de découvrir l'univers artistique de Yohan Durand et de comprendre sa vision de l'art du diabolo.

Les ateliers ne sont pas seulement des sessions de perfectionnement ou de découverte technique du diabolo. En réalité j'essaie d'axer ces ateliers de sorte que même si l'un ou l'une des apprenant-e-s oublie son diabolo alors il/elle pourra tout de même pratiquer avec n'importe quel autre objet quel qu'il soit. Ce sont donc avant tout des sessions autour de la manipulation d'objet, en partant de chaque objet (même deux diabolos peuvent être différents) et en tenant compte des capacités physiques et mentales de chacun.

Comment préparez-vous vos spectacles ? Y a-t-il une histoire que vous essayez de raconter à travers votre performance ?

 Il y a une chose que je vis régulièrement comme un souci et un frein à la création mais quand ça fonctionne c'est magique : J'aime faire en sorte que tous les éléments d'un numéro ou d'un spectacle s'emboîtent les uns avec les autres de façon logique. 
C'est une façon de faire qui me touche quand je la vois reproduite dans un spectacle donc j'essaie d'en faire autant dans mes créations. Je considère que l'écriture est un art qui nous fait comprendre des choses à travers des suites de caractère, alors, une suite de mouvements jonglés ou dansés peuvent aussi raconter quelque chose. 
La partie vraiment excitante concerne le fait de savoir comment je vais pouvoir réussir à raconter cette histoire à un public qui n'a pas forcément les codes des différents langages que j'utilise. Donc, d'un spectacle à l'autre, la démarche est différente mais pour ma future création par exemple, je ne savais pas précisément ce que je voulais dire. Par contre, je savais que je voulais utiliser mon diabolo de telle ou telle manière. Alors en attendant que le projet mature dans ma tête, j'ai fait de l'exploration technique pure autour de ces concepts de diabolo. Ce qui m'a amené vers d'autres découvertes qu'il a fallu explorer. Ce qui m'a amené vers d'autres découvertes... A un moment il faut savoir s'arrêter et faire des choix, sinon on se perd très vite. Pour mon premier spectacle long, je savais où je voulais aller mais je n'avais pas les outils technique pour y arriver, alors j'ai monté ce spectacle à la dure. Après chaque tentative de présentation sur scène il prenait un peu plus forme. Cinq ans plus tard je me suis enfin dit que je ne voulais plus le changer, qu'il resterait imparfait par endroits à mes yeux mais qu'il fallait que je passe à autre chose.

Qu'est-ce qui vous inspire dans votre travail artistique ?

Je crois que tous mes choix de vie inspirent mon travail artistique. C'est quelque chose qui m'a toujours paru un peu démesuré et disproportionné à dire; mais au fond, mes choix sont influencés par l'état de mon corps pour chaque jour qui passe. Si j'en prends soin alors j'aurai plus d'occasions et de possibilités d'explorer ce que je peux faire avec. Pour mon esprit et mes pensées, je me dis que c'est pareil, tout influence donc mon travail artistique, les "bonnes" comme les "mauvaises" choses de la vie. Ensuite, pour ce qui est de ce qui m'inspire plus précisément... Je crois que je suis profondément touché et impressionné quand je vois une personne qui s'abandonne complètement dans ce qu'elle/il présente sur scène ou ailleurs. Aussi, j'aime voir de la belle technique mais elle ne me fera absolument rien si aucune émotion ne ressort de la personne qui propose cette ou ces techniques sur scène. En résumé, voir de la belle technique ne me fera rien si elle est juste belle, bien exécutée et ne raconte rien de profond. Je pourrais enfin résumer ça par le fait que ce que je trouve beau c'est ce qui est moche mais honnête.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience lors de votre participation à "La France a un incroyable talent" en 2015 ?

Incroyable Talent 2015 - Photographe Pierre OLIVIER/M6

Matthew/NetJuggler :  J'ai souvent au téléphone les recruteurs qui cherchent des artistes pour l'émission. Quand je leur demande la rémunération des artistes et qu'ils me répondent qu'il n'y en a pas, je leur demande si ils sont rémunérés pour me démarcher... En général ils ne comprennent pas ma question et c'est là le fond du problème. C'est délicat pour moi de leur conseiller des artistes... 

En 20 années de NetJuggler je n'ai jamais pu leur "envoyer" d'artistes. J'avoue que j'ai beaucoup de mal avec le fait que les artistes ne soient pas rémunérés... Il y a débat sur le sujet, mais c'est mon point de vue personnel. 

A mes yeux, il y a un manque de respect de nombreux artistes qui se présentent à l'émission ! Ils vont tout de même jusqu'à ne pas défrayer les déplacements pour se rendre aux enregistrements. Et ils sont très forts dans leurs discours lorsqu'ils parlent de mise en avant des artistes alors qu'ils manipulent les images pour qu'elles servent leur histoire. 

Je suis très curieux de lire ton aventure avec ce projet et de transmettre tout ça dans cet article. D'avance merci Yohan pour ton témoignage :-)

C'était en 2015, j'avais 21 ans, 4 ans de diabolo dans les jambes, quelques expériences de scène et surtout je ne savais pas si je voulais faire ça de ma vie.
J'étais à un moment charnière, une licence d'anglais littéraire en poche et une année de césure pour me décider de si je comptais tenter ma chance sur scène ou bien dans des salles de classe. Un autre effet est que ça a changé ma vision de la télévision et de "l'entertainment" . Déjà, je pense que ce qui m'a sauvé est d'avoir pris de la distance en réalisant que ce n'était qu'une énorme pièce de théâtre. On m'a dit qu'à la télé ce n'est pas toi qui utilise les caméras pour gagner en visibilité, c'est l'inverse. Alors je me suis dit que l'important était de parvenir à être vu au moins une fois par un maximum de gens. Mon idée était simple, il me fallait un beau papier cadeau pour donner envie au public et au jury d'en voir plus. Le scénario de base c'était : "Voici Yohan Durand, il est jeune et a appris le diabolo tout seul dans son jardin, il a l'air naïf mais ça le rend attachant". Puis il fallait que le cadeau à l'intérieur tienne la route, en bref il fallait que je soit assez bon techniquement, en seulement 2 minutes sur scène. Mais aussi il fallait que je sois assez bon pour tenir mon personnage en interview et à chaque instant où j'apparaîtrais devant une caméra au cours de la longue journée de présence à Paris. 
Heureusement, j'avais naturellement un air naïf. La journée était rythmée entre attente et interviews qui ne seraient peut-être jamais publiées, il fallait rester assez concentré en permanence. Aussi, je savais que c'était une bonne année pour un jongleur vu qu'il n'y en avait pas eu l'année précédente. Alors voilà, au tout début je passe les pré-castings en région ... et ça passe ! Là encore, 2 minutes sur scène puis 30 minutes en interview où on te dit que rien de tout ce qui sera dit là ne sera montré à la télé, seulement à la production. On te pose des questions pour te tester et voir si ton image vaudra le coup d'être montrée : "Comment tu réagis si tu es détesté ? Si tu es apprécié ? Qu'est-ce-que tu fais avec l'argent si tu gagnes ?[...]". 
Ensuite je suis allé sur Paris, à mes frais, enfin plutôt aux frais de ma famille qui sont venus avec moi. En arrivant on signe une tonne de contrats divers. On te maquille et on te met assez vite dans le bain et le rythme de la journée. Je pense que l'émission voulait me mettre en avant donc j'ai été bien accueilli . Après quelques interviews et fausses situations qu'il a fallu jouer devant la caméra me voilà lancé sur scène, 2 minutes de numéro, 3 oui sur 4 jurés, 5 à 10 minutes d'échange avec le jury (seulement 2 à 3 minutes seront finalement montrées). Un des jury a voulu appuyer sur le golden buzzer pour m'envoyer directement en demi-finale mais on l'en a empêché parce que cette année là il fallait un affrontement entre jongleurs. 
Jury - Gilbert ROZON - Yohan - Petite tête : Nico Pires - Eric Antoine - Hélène Ségara - Kamel Ouali
Après tout ça, tu sors de scène, plein d'émotions, c'est le premier jour où ma famille à accepté de considérer le diabolo comme une issue professionnelle possible pour moi. Alors en sortant de scène il y a ce long couloir, ma famille au bout qui m'acclame avec des vrais regards de joie mais assez vite on nous arrête net : "Attendez, quelqu'un est passé devant la caméra au mauvais moment, vous pouvez la refaire ?". Je vous laisse imaginer pourquoi on a jamais vu cette seconde prise à la télé. Et puis voilà, tu redescends de tes émotions et tu repars chez toi. Jusqu'à ce que l'émission soit diffusée tu n'as rien le droit de dire. 
Plus tard je suis revenu, pour le second tour mais ça consistait en une simple délibération devant un jury. En face de moi il y avait Nico Pirès qui faisait aussi du diabolo et contre qui il fallait qu'il y ait ce fameux "affrontement". Après cette seconde journée à Paris (à leurs frais cette fois) passée à attendre dans une grande salle entre interviews et moments montés de toute pièce pour l'émission, on passe en dernier. 
On savait qu'il ne restait qu'une seule place, une télé donnait les places restantes au fur et à mesure que les autres participants défilaient devant le jury. On arrive alors enfin devant le jury et ils nous disent que c'est Nico qui restera pour la suite de l'aventure. J'étais un peu déçu forcément, mais aussi très content pour Nico qui a proposé des supers passages qui l'ont emmené jusqu'en finale. Autre chose dont je me suis rendu compte par la suite, c'est que le fait qu'un diaboliste passe à la télé et aille jusqu'en finale a grandement participé à faire connaître un peu plus le diabolo en France et à l'étranger. Au fond, j'avais atteint mon objectif et j'avais eu raison d'y croire parce que l'année qui a suivie, grâce à l'effet "vu à la télé" j'ai pu goûter à la vie d'artiste en bougeant dans toute la France pour différents événements.


Comment avez-vous réussi à trouver votre place dans le monde de la jonglerie et de la danse, et comment avez-vous évolué au fil des années ?

J'ai trouvé ma place en abandonnant jamais d'y croire et en entretenant ma passion. Je me considérais jongleur et j'avais cette envie de m'identifier comme tel. Cependant, quand je suis arrivé dans le monde des jongleurs-euses je me suis rendu compte que j'arrivais avec une sorte de double handicap. Je faisais du diabolo, et surtout, je faisais du diabolo à roulements à bille ... A ce moment là, c'était vraiment nouveau, presque personne n'en utilisait, c'était même vu comme de la triche par les autres diabolistes eux-même. Même si les jongleurs-euses étaient pour la quasi-totalité très accueillant-e-s, j'arrivais de mon côté avec un manque de confiance en moi et une envie de m'insérer dans une communauté dont je n'avais pas les codes. 

Matthew/NetJuggler - C'est intéressant je trouve que tu dises que tu n'avais pas les codes car j'ai très longtemps pensé que la communauté était hyper abordable, mais après avoir amené des amis non jongleurs en convention de jonglerie, j'ai pu me rendre compte que pour les plus timides ça n'a pas été si simple de s'intégrer. En effet tout est codifié, ce qui ne signifie pas que la communauté n'est pas accueillante. Il faut parfois un peu faire ses preuves, et je trouve ça un peu dommage... Et en même temps on est nombreux chez les jongleurs à être de grands timides et pourtant on est "intégré à la communauté"... Bref, c'est assez rare que j'entende des jongleurs parler de ce sujet en ce sens... Il y a eu une époque où la religion au sein de la communauté c'était ce qu'on appelle BMA (Balles Massues Anneaux), et les autres agrès étaient source de blagues et plaisanteries de goût contestable. Le diabolo a longtemps été le jeu de plage pour les jongleurs ! Mais ça a beaucoup évolué ces dernières années. Il faut dire que le niveau est dingue et les disciplines beaucoup plus variées.

Alors j'ai esquivé les blagues quand j'en avais besoin, je les rendais quand il fallait, je prenais du plaisir à rencontrer un tas de personnes différentes en convention, j'ai continué de m'amuser avec mon diabolo en montant sur scène dès que c'était possible en ça a finit par fonctionner naturellement. C'était presque purement subjectif mais j'étais devenu un jongleur à mes yeux et aux yeux de la communauté. Et la danse dans tout ça ? Eh bien à ce moment là, l'image de la jonglerie que j'observais sur scène était bien souvent statique, presque les deux pieds plantés au sol. J'étais en pleine progression technique et en pleine découverte alors ça m'allait au début. Mais par la suite j'ai commencé à voir qu'il me manquait quelque chose. J'avais toujours vu que je me dandinais sur ma musique quand je montais sur scène et je me suis donc naturellement dirigé vers la danse. Par contre, je ne suis toujours pas parfaitement au clair avec le fait de me considérer comme un danseur. Le public l'a fait, plusieurs danseurs et danseuses que je respecte m'ont dit que j'étais également danseur. Mais je pense qu'au fond, même si j'ai beaucoup de plaisir à danser, mon trop grand respect pour la danse et ma trop grande impression de ne pas savoir assez bien danser me condamnent à rester un jongleur qui danse, sans jamais pouvoir devenir un danseur qui jongle. Tant que ça reste une source de motivation à toujours faire un peu mieux, alors ça me va.

Une question qui revient dans toutes nos interview, en spectacle comment vivez vous les drops ? Comment les gérez vous ?

Au début je vivais mal les drops parce que je ne m'étais jamais entraîné à les gérer. C'est un travail à part entière. Il faut parvenir à se dire qu'au cours d'un numéro, toute erreur de parcours est une occasion de tracer une nouvelle route. Alors d'une part je me suis entraîné à trouver des figures et des réactions associées à des drops éventuels s'ils devaient arriver à tel ou tel moment du numéro. Ensuite je me suis juste entraîné à ne pas m'en vouloir en cas de drop car assez vite j'ai considéré que ça donnait énormément de vie à mes représentations. J'essaie même d'en faire un atout de ma prochaine création en y introduisant des drops volontaires. Là où ça devient vraiment amusant c'est lorsqu'on veut faire un drop mais qu'il échoue... Alors j'ai appris que ce qu'il fallait apprendre à gérer ce n'était pas les drops mais l'imprévu. A partir de là, ça donne une présence en jeu tout à fait différente.

Jouer en extérieur quelle idée, la météo doit parfois jouer des tours. Comment gérez vous avec le vent ? Quelques anecdotes peut être ?

De la même manière que les drops, la météo est un imprévu. Alors bien sûr avec toutes les fois où je me suis entraîné dehors, qu'il pleuve, neige ou vente, sur tout type de sol... on trouve des solutions. J'ai vu des artistes professionnels habitués à jouer en salle se décomposer le jour où il a fallu qu'ils jouent dehors. Le plus embêtant en extérieur reste clairement le vent. Mais si on est assez à l'écoute de sa force et sa direction alors on adapte la force et la direction de ses lancés en permanence. Par exemple si j'ai un fort vent de face, je vais lancer mon diabolo en avant avec une force adaptée à la hauteur que j'aimerais qu'il atteigne pour être sûr qu'il retombe dans mes ficelles
Plus je veux l'envoyer haut, plus il faudra l'envoyer fort contre le vent. sinon il faut se mettre de profil par rapport à la direction du vent quand c'est possible, la prise au vent y est moins forte. Il m'est arrivé de jongler à trois diabolos en hauteur avec un vent changeant donc je lançais chaque diabolos dans une direction tout à fait différente. Ils atterrissaient tous au même endroit à la fin malgré tout. Et sinon j'ai aussi essuyé un tas d'échecs et de drops mais lorsque le public aussi ressent le vent alors ce n'est pas un souci, ça crée une forme de soutien réciproque.

Quels sont vos projets pour l'avenir en tant qu'artiste et jongleur ?

A l'avenir j'aimerais beaucoup monter d'autres solos, rejoindre un collectif ou monter un spectacle avec plusieurs personnes. Ou même juste un duo. J'ai fait beaucoup de solos et j'adore ça mais je me sentirais d'autant plus équilibré si je pouvais partager la scène de temps à autres. J'adorerais faire ou participer à un spectacle qui ne concerne pas mes spécialités. J'aimerais aussi faire plus de mise en scène de spectacles, accompagner des jeunes dans leur développement artistique et professionnel, donner des cours de gestion administrative et de projet pour des personnes en formation circassienne, donner des cours de jonglerie en école supérieure, être coach sportif personnel, écrire un livre sur la situation du cirque en France. J'ai encore d'autres projets mais parfois le mieux est aussi de ne pas trop en parler. J'avance petit à petit, on ne sait pas de quoi demain sera fait.
Photoflounet - Lionel DESPREZ

Comment gérez-vous le stress et la pression liés à la réalisation d'un
spectacle ?

D'abord, la meilleure façon pour moi de ne pas être stressé est d'être prêt le jour du spectacle. Il y a toujours des imprévus alors si en plus mon organisation n'est pas claire c'est le meilleur moyen de se créer du stress avant d'entrer sur scène. Ensuite, il y a des jours où le stress est là quoi qu'il arrive, alors il faut apprendre à l'accepter et en faire une force. Parfois ça rate bien sûr, mais j'essaie à chaque fois de l'empêcher de me prendre toute mon énergie. Parce que pour moi ce sont les pires problèmes associés au stress; quand il m'empêche de jouer à mon maximum, qu'il m'empêche de m'amuser et qu'il me déconnecte de mon écoute du public. Avec le temps, j'ai découvert que pour moi, ce qui fonctionne le plus souvent, c'est d'être bien reposé, d'avoir assez -voire trop- de temps d'échauffement avant un spectacle, de méditer si besoin. Mais surtout, d'être prêt. Dernière chose, j'essaie de ne pas avoir de rituel. C'est une bonne manière de se mettre en confiance mais il faut se méfier car il y aura forcément un jour où il ne sera pas possible de faire ce rituel, et là ça pourrait être un souci. Je ne veux pas risquer de me retrouver dans cette position alors à chaque fois je change de type de préparation.
Photographie - Marion Triverio

Quels conseils auriez vous pour les jeunes générations qui sont déjà là et qui débutent et se lancent dans des métiers autour de la jonglerie ?

J'ai tendance à penser qu'il n'y a pas de recette magique. Ma recette à fonctionné pour moi, mais c'est différent pour chacun. Il faut juste savoir que c'est possible, il y a de la place pour tout le monde et on peut clairement en vivre. Ensuite je pense que ce qu'il faut se dire c'est qu'il faut tout donner, rester curieux-se quoi qu'il arrive des autres et du monde qui nous entoure et être en accord avec ses besoins et ses envies. Comme ça, même si ça ne fonctionne pas alors on peut au moins se dire qu'on a fait de son mieux. Ce qui est le plus important selon moi c'est qu'il faut que ça reste toujours amusant et passionnant avant tout.

Une liste de vos créations ?

La création en cours : "Kawan" (nom provisoire - 45 min à 1h - prévu mi 2024.
  • "L'Oignon" (30 à 45 min - mis en pause en 2023) trio avec Marion Vidal (vidéo) et Lépolod Cordier (son)
  • "Charlie" (5 min), duo avec Rotha Thuy (diabolo - breakdance) 2021
  • "Toi, La Maladie" (30 min), duo avec Ren Datura (danse-théâtre, portés et jonglerie) 2018-2019
  • "L'Onironaute" (7min.) diabolos LEDs, 2019
  • "Kévin’’ (5 min), diabolo, danse, 2018
  • "Ethéré" (5min), diabolo, danse, 2017
  • “Qui tire les ficelles ?” (6min30) diabolo, danse, 2016
  • "C’est idiot mais ça colle à la peau" (45 min) (jonglerie, danse, philosophie théâtralisée) 2016

Merci Yohan d'avoir consacré tant de temps à cette interview.  Votre perspective unique et votre expertise en tant qu'artiste de cirque ont été très précieuses pour nous.  Merci beaucoup pour votre contribution à notre projet.

Merci aux photographes

Pour illustrer cet article, nous avons utilisé les photos de photographes qui suivent ou qui ont suivi le travail de Yohan DURAND. Merci à eux :

  •  Marion Triverio
  • Thiery Couly 
  • Pierre OLIVIER/M6
  • Jean Claude Fourez
Diabolo Hurricane
2990
2542

Diabolo Hurricane

Diabolo à roulement à billes de grande taille pour une utilisation intensive.

Kit diabolo Quartz + DVD Planet Diabolo
4610
3840
18%
5600
19%
4740

Kit diabolo Quartz + DVD Planet Diabolo

Diabolo à triple roulements, baguettes Superglass, 10m Ficelle Henrys, Coffret 3 DVDs et Sac !

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1450
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Baguettes Carbone fines et ultra légères. Idéales pour réaliser des grinds.

Baguettes aluminium
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Débutants/confirmés. Idéal pour les slides. N°1 des ventes NetJuggler.

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Diabolo Hyperspin translucide équipé de triple roulements.

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Ficelle de diabolo pro. En rouleau de 25 mètres. Du fabricant Henry's.

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